Si nous remplacions le mot « prochain » par « voisin » ?

Nous sommes invités, tout au long des Livres Bibliques et des Evangiles, à aimer notre « prochain ». Ce mot n’est pas utilisé dans le langage courant. Comme la vie en société ne nous conditionne pas à aimer tout le monde, ce mot ne représente plus personne. Pourtant, il s’agit de mon semblable. Même là, alors que nous sommes tous semblables dans le fond, nous aimons parfois revendiquer la différence : « Je ne suis pas comme lui ! » Ou pas comme elle. Ce n’est pas si sûr que cela, tant nous voyons la paille dans l’œil de l’autre, et si peu la poutre qui est dans le nôtre.

Si nous remplacions le mot « prochain » par « voisin » ? Lui il existe très concrètement, si j’habite à Strasbourg. Je le vois par la fenêtre. Je l’entends à travers les murs. Je connais par chœur ses petits rituels (son départ au travail à telle heure, la sortie des poubelles tel jour, le chien qu’il ou elle va promener…)

Il est bien là, accessible. Tous les jours. Il est là, celui que je suis appelé à aimer. C’est plus facile d’aimer des gens qui passent à la télé. Ils ont en général de belles têtes, ils produisent des sons que j’aime, ils ne dégagent aucune odeur. C’est bien agréable, je ne fais aucun effort pour les aimer, sinon, du bout d’un doigt, je change de chaîne.

Pour mon voisin de palier, c’est une autre affaire. Impossible d’en changer. A sa rencontre, Je peux passer par toutes sortes d’émotions incontrôlables, en bien comme en mal. De la belle voisine au vieux grincheux, je dois m’adapter, et parfois je suis troublé.

Pour nous chrétiens, à l’exemple de Jésus qui n’a pas hésité à aller à la rencontre de la séduisante Marie-Madeleine comme à celle du vieux pharisien acariâtre, il s’agit d’avancer vers les autres de façon évangélique. Si nous n’existons que pour nous-mêmes et un entourage très sélectif, la tâche est impossible.

Mais si nous existons pour le Christ, nous sommes comme en mission chaque jour de notre vie envers nos voisins qui sont aussi nos prochains, sans les harceler, évidemment ! Nous ne nous levons pas le matin pour maudire une fois de plus tel ou telle, mais nous nous levons en pensant à prier pour recevoir la force d’aimer qui nous rencontrerons dans notre journée, choisi ou pas. Cela me semble plus intéressant. Pas vous ? 

P. Bernard