« Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. » (Mt 10, 26)
Peut-être serez-vous surpris de découvrir les croix de nos églises voilées ?
Réponse en quelques lignes…
Le Missel romain prévoit, dans les rubriques qui concluent la célébration de la Cène du Seigneur, au soir du Jeudi-Saint, qu’après le transfert du Saint-Sacrement au reposoir, on dépouille les autels et qu’on enlève les croix. Là où ne pourrait pas enlever les croix, il est prévu qu’on les voile. Avant la réforme liturgique cette pratique de voiler les croix, et même les statues, intervenait dès le dimanche de la Passion (l’actuel 5e dimanche de Carême). Aujourd’hui c’est le dimanche qui précède Pâques et qui marque l’entrée dans la Semaine Sainte qui est tout à la fois « dimanche des Rameaux et de la Passion ».
La liturgie des Rameaux fait entrer la procession dans l’église à la suite de la croix, cette même croix qui aura fait s’ouvrir les portes de l’église et que le cierge pascal remplacera à l’entrée lors de la Vigile pascale. Alors qu’en outre la liturgie du Vendredi-Saint va focaliser les regards vers l’unique croix, objet de la vénération et signe du salut, cette pratique de voiler les croix aidera les fidèles à ne pas se disperser mais à se concentrer sur le lieu du supplice de Jésus qui devient paradoxalement l’arbre de Vie.
Premier avantage : lors de la célébration de la Passion et de la Mort du Seigneur, une seule croix sera rendue visible aux yeux de tous. La première des formes proposées par le Missel pour la vénération de la croix suggère de répondre directement au voilement des croix la veille au soir. Le prêtre dévoilera ou montrera, en trois temps, la croix aux yeux de tous en même temps qu’il chantera l’invocation : « Voici le bois de la croix qui a porté le salut du monde ! » et que tous répondront : « Venez adorons ! ». Cette acclamation sera suivie d’un bref temps d’adoration pendant lequel on mettra les genoux à terre. A l’usage ancien qui permettait que l’on présente plusieurs croix à la vénération des fidèles, en cas d’affluence, le Missel demande qu’une seule et unique croix soit utilisée afin de garantir la vérité du signe.
Deuxième avantage : l’importance accordée de fait à ce qui, caché, sera dévoilé. Après ce jeûne visuel, d’ailleurs renforcé non pas tant par la disparition des croix qu’on pourrait enlever, mais plutôt par le fait qu’elles soient voilées, c’est-à-dire que leur présence demeure mais comme signe momentanément caché, la croix retrouvera toute sa force comme objet du salut. En effet, l’œil, l’attention et donc le cœur s’habituent à ce qui est commun au point d’en faire quelque chose de routinier. Que ne sommes-nous pas habitués à voir des croix, pas seulement dans les églises, mais dans nos intérieurs et comme motifs de décoration ! Se déshabituer ce qui tombe « dans l’œil » aura la vertu de le redécouvrir avec force.
Voiler puis dévoiler pour réaliser un acte de révélation : dans la croix du supplice se donne déjà à contempler le Christ triomphant. Ce « jeûne visuel » nous prépare à l’adorer comme l’instrument de notre salut au cœur de la liturgie du Vendredi-Saint et à la retrouver, à Pâques, comme l’arbre de vie.
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