Découvrir le temps où il est urgent de croire

Une homélie de saint Ambroise (+ 397) pour le 3ème dimanche de l’Avent.

Nous venons d’entendre l’évangile où Jésus critique ceux qui savaient reconnaître l’aspect du ciel, mais n’étaient pas capables de découvrir le temps où il était urgent de croire. Jean Baptiste appela deux de ses disciples et les envoya demander au Seigneur : Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Il n’est pas simple de comprendre ces simples paroles, ou bien elles contredisent ce qui précède. Comment, en effet, Jean ignore-t-il maintenant celui que plus haut il a reconnu par révélation de Dieu le Père ? Comment a-t-il reconnu alors celui qu’il ignorait jusque-là, et ignore-t-il maintenant celui qu’il connaissait naguère ? 

Je ne le connaissais pas, dit-il, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : C’est celui sur lequel tu verras l’Esprit Saint descendre du ciel. Et Jean Baptiste crut à cette parole, il reconnut celui qui lui fut montré, il l’a adoré après l’avoir baptisé, et il a prophétisé son avènement. Enfin, dit-il, j’ai vu et je rends ce témoignage : C’est lui le Fils de Dieu. Puisque l’intelligence immédiate de ces paroles présente un sens contradictoire, cherchons leur signification spirituelle.

Jean, nous l’avons dit précédemment, représente la Loi qui annonçait le Christ. Or il est exact que la Loi, retenue matériellement captive dans les cœurs rebelles comme dans des prisons obscures, enfermée dans des cachots pourvoyeurs de supplices, derrière des barreaux d’inconscience, ne pourrait pousser jusqu’au bout le témoignage en faveur de l’économie divine de notre salut sans la garantie de l’Évangile. Jean envoie donc ses disciples au Christ, pour qu’ils obtiennent un supplément d’information, parce que le Christ est la plénitude de la Loi. Enfin le Seigneur, sachant que sans l’Évangile personne ne peut avoir une foi plénière – car si la foi commence par l’Ancien Testament, c’est dans le Nouveau qu’elle s’accomplit – n’éclaire pas les questions qu’on lui pose sur lui-même par des paroles, mais par des faits. Allez, dit-il, rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

Pourtant ce ne sont encore là que des exemples mineurs du témoignage apporté par le Christ. Ce qui fonde la plénitude de la foi, c’est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. Et c’est pourquoi, après la réponse que nous avons citée, il dit encore : Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n’y a pas de témoignage plus grand d’une personne divine, il n’y a rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d’un seul pour tous : par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c’est ainsi que Jean l’a désigné : Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.

Ces paroles ne s’adressent pas seulement à ces deux hommes, les disciples de Jean, mais à nous tous, afin que nous croyions au Christ, si les événements confirment cette annonce.

Saint Ambroise (tiré du Commentaire sur l’Evangile de Luc, 5, 93-109)


Image: mosaïque du 5e siècle, Basilique de San Vittore in Ciel D’Oro, Milan